Un Fort du système de défense Séré de Rivières

Construit en deux années seulement, de 1878 à 1880, le Fort de Mons-en-Barœul fait partie du système de défense élaboré par le général Séré de Rivières suite à la défaite de 1870. Devenu inutile suite à la mise au point de nouveaux explosifs 5 ans seulement après sa réalisation, il sera toutefois le siège d'unités de transmission, dont la plus étonnante sera celle d'une section colombophile avant de servir durant la guerre d'Indochine. Entre temps il aura connu des périodes d'occupation allemande à chacune des deux guerres mondiales, après avoir été déclassé 48 heures avant la déclaration de la première ! Resté intact, car non bétonné comme beaucoup d'autres fortifications, et magnifiquement remis en valeur avec un centre socio-culturel, c'est un exemple unique qui présente un intérêt architectural, historique et patrimonial exceptionnel.

Armement


A sa mise en service, le Fort de Mons-en-Barœul était équipé de plusieurs types de canon :

Dans les caponnières et les batteries de flanquement :

On trouve des canons revolver Hotchkiss et des canons 12 culasse.

Ce sont 5 canons de chaque modèle qui étaient présent, à raison d'une unité de chaque type par point de défense :

- Un canon 12 culasse et un canon revolver Hotchkiss dans la batterie de flanquement nord
- Un canon 12 culasse et un canon revolver Hotchkiss dans la batterie de flanquement sud
- Un canon 12 culasse et un canon revolver Hotchkiss dans la simple caponnière
- Deux canons 12 culasse et deux canons revolver Hotchkiss dans la double caponnière


Canon revolver Hotchkiss à gauche et canon 12 culasse à droite (Fort de Vaux)

Ces canons avaient en charge la défense des 5 fossés


Les fossés sont défendus à l'arrière, en tirs croisés, par les batteries de flanquement (en bleu). Les fossés nord et est sont sous les tirs de la double caponnière (en jaune). Le fossé sud est lui protégé par la simple caponnière (en vert).


Positionnement des deux modèles de canon dans la caponnière. Le plus fréquemment, comme ici, le canon 12 culasse était du côté de la contre escarpe et le canon revolver Hotchkiss du côté de l'escarpe. Les deux embrasures latérales et l'embrasure centrale servent à la surveillance et à la visée des canons, ainsi qu'au tir au fusil.


L'intérieur de la batterie de flanquement sud du Fort de Mons-en-Barœul. 
Toutes les embrasures sont bouchées témoignant de l'utilisation changeante. 
A gauche, un seul emplacement est prévu pour le logement des roulettes de l'affût du canon 12 culasse (côté contre escarpe)


 Le canon de 12 culasse 

Le canon de 12 de Napoléon III est une pièce en bronze complètement obsolète en 1876. Ce canon qui se charge par la bouche a une très faible portée de tir. Il est remplacé par le canon 12 culasse. Celui-ci est fabriqué à partir d'un canon modèle 1853, rayé en 1859, dont on coupe la partie arrière pour y mettre une culasse de type Lahitolle.


Le Nasica a participé aux combats du Fort de Vaux (musée de l'Armée).



Volée (à gauche) montrant les rayures du canon Nasica et sa culasse (à droite)

Ce canon 12 culasse qui tire un coup par minute, doit son nom à son diamètre qui est de 121,3 mm et de son chargement qui ne se fait plus par l'avant mais par une culasse située à l'arrière. Le tube mesure 1,91 m. L'ensemble pèse 1 200 kg dont environ la moitié pour l'affût.


Soldat allemand utilisant un canon 12 culasse, à gauche un canon revolver Hotchkiss


Illustration en 3D d'un canon 12 culasse sur son affût


" Le Divergent " était stocké au musée des Invalides puis dans la réserve de l'Armée à Satory depuis les années 2000. Grâce à la Mission Histoire du Conseil Général de la Meuse et aux travaux faits sur le Centenaire 14-18, ce canon est désormais revenu à son emplacement d'origine au Fort de Vaux.

Ce canon 12 culasse tire des obus de 12,4 kg avec une portée de 3 600 mètres. Il produit beaucoup de fumée et sa puissance ne permet pas de détruire des maçonneries. Cette dernière particularité le rend justement intéressant pour la défense des fossés sans risque pour les arcs de décharge de la contre escarpe.



Certains modèles portent encore la marque de Napoléon III


Un canon de 12 culasse au Fort d'Uxegney (place d'Epinal)


Vue de l'arrière du canon avec la culasse ouverte


Les roues de l'affût viennent se loger dans des renfoncements et sont bloquées par des cales

Trois hommes le manœuvrent et effectuent le tir, dont les principales opérations sont :
- L’âme est nettoyée, l’obus est introduit et la culasse est fermée
- Le canon est positionné selon la direction de tir. La hauteur de la trajectoire et la ligne de visée sont choisies. Une cheville ouvrière – scellée au sol – maintient et guide la pièce. Par conséquent le canon est pointé facilement et rapidement dans une direction précise
- L’étoupille est placée dans la lumière et enflammée à l’aide du tire-feu
- Pendant le recul, la pièce se déplace sur le lisoir directeur et est freinée par les bragues – cordes – dont l’élasticité la renvoie en avant. Les côtés du cadre du lisoir sont courbés pour faciliter le retour en batterie
- Le projectile est déchargé et le canon remis en batterie.

 Le canon revolver Hotchkiss 

Le canon revolver de 40 mm modèle Hotchkiss est plutôt une mitrailleuse. Cette arme redoutable pouvait en théorie tirer 60 coups à la minute. Ce canon est équipé de 5 tubes séparés, rayés chacun d'un pas différent, qui tournent autour d'un axe au centre du canon. Le comité de défense en passe commande le 19 février 1879.


Au premier plan, devant un canon 12 culasse, un canon revolver Hotchkiss incomplet du musée des Invalides


Dessins d'après un aide mémoire des officiers de l'artillerie chapitre III - Collection Jean Philippe Guichard.


Le chargement de cette pièce se fait par un plateau distributeur. La mise en route s'effectue en tournant une manivelle qui assure l'automatisme. La portée est efficace jusqu'à 500 mètres, en arrosant sur une largeur d'une dizaine de mètres.

D'un poids de 1 200 kg, cette pièce a la particularité de ne pas avoir de recul.


Sur les plates formes d'artillerie


Ce plan de 1905 retrouvé au musée des Canonniers à Lille éclaire sur l'armement prévu et celui effectivement réalisé au Fort de Mons-en-Barœul.

Les plates formes d'artillerie étaient pourvues de canon de 90 et 120 de Bange. On dénombre seulement l'installation de 8 canons en tout sur les 14 plate formes d'artillerie.


Charles Ragon de Bange était polytechnicien et colonel de l'artillerie, directeur de l'Atelier de précision du dépôt central de Paris. Il mis au point la culasse coulissante à vis interrompue en forme de champignon qui était complètement étanche et son système est toujours celui qui est utilisé de nos jours, mais le recul non maitrisé empêchait un tir réellement rapide. Il fallait remettre à culée après chaque tir. Ce canon avait remplacé le canon Reffye et le canon Lahitolle de 95 mm au milieu des années 1880.

 Le canon de 90 de Bange 


Modèle de canon 90 de Bange en action
Peinture d'Etienne-Prosper Berne-Bellecourt



Ce canon fut largement utilisé durant la première guerre mondiale

 Le canon de 120 de Bange 




La cadence de tir ne dépassait pas un coup par minute. La mise en action assez laborieuse nécessitait de nombreux servants comme le montre la vidéo ci-dessus.


Modèle exposé en Finlande, dont l'armée s'en équipera


Le chargement de ce canon en acier rayé se faisait par la culasse